Mémoires contemporaines (partie 2)

LA GUERRE
DE 14-18

 

Les années de transformation précédente vont être brusquement arrêtées par le conflit le plus meurtrier de l’histoire. Toute une génération sera sacrifiée et Hillion n’échappera pas au massacre avec plus de 120 « morts pour la France », sans compter les blessés, gazés, mutilés qui devront aussi vivre avec le souvenir d’un immense carnage.

Dernière mise à jour, le 08 novembre 2020 à 19:02

Les poilus en guerre

A la veille de ce 1er conflit mondial, Hillion est une commune rurale de 2304 habitants dont le dernier recensement de population de 1912 confirme un déclin démographique entamée depuis plus de 50 ans ; la commune a perdu 33% de sa population entre 1846 et 1936, la première guerre mondiale ne fera qu’accentuer ce déclin par le nombre de décès consécutifs aux combats, le déficit de natalité et l’exode rural. Les notices communales écrites par les instituteurs et les institutrices, sur demande du Ministre de l'Instruction Publique, permettent une bonne connaissance de la vie dans les communes du département des Côtes d'Armor pendant la Première Guerre Mondiale. Hillion n'a pas de notice communale, mais la vie pendant cette période devait être comparable à celle des communes environnantes ( Yffiniac, Langueux , Pordic, Moncontour,…) qui elles en disposent.

En ce début d'année 1914, les relations diplomatiques entre la France, l'Angleterre, la Russie (la Triple entente) et l'Allemagne, l'Autriche-Hongrie, l'Italie (la Triplice) sont très tendues, mais c'est en juin et juillet, après l'assassinat de l'archiduc d'Autriche que les événements vont s'accélérer

Le samedi 1er Août, le tocsin sonne à l'église en fin d'après-midi. Des affiches sont placardées sur les mairies  et la mobilisation est prévue pour le dimanche 2 Août à 16 heures. Le matin même certains territoriaux désignés comme Gardes de Voies de Communications avaient déjà reçu leur feuille de route. Personne n’est réellement surpris par la mobilisation générale mais nul ne se doute du grand bouleversement à venir. De par son ampleur, sa durée et sa barbarie, la guerre 1914-1918 va durement éprouver la France, la Bretagne et Hillion.

Le 2 Août le départ des mobilisés, ( les plus jeunes classes), commence et s'effectue dans le calme et l'ordre, avec patriotisme. Les hommes partent confiants, en chantant, et aux cris de « à Berlin, nous les aurons », la guerre sera de courte durée, les femmes de leur côté pleurent. Chacun est persuadé que le bon  droit est du côté français. A partir du 3 Août les hommes de la réserve de l'active partent et rejoignent leurs dépôts de mobilisation.

La mobilisation continue jusqu'au 11 Août, date de la fin de la mobilisation, mais se prolongera quelques jours. Pendant cette période les chevaux et les charrettes sont réquisitionnés (peu de réclamation, ils sont largement payés).

Durant les 4 années de ce conflit mondial, 455 hillionnais vont être mobilisés dans l’armée française soit 19,7 % de la population communale, chiffre comparable au 20 % de mobilisés au niveau national. C’est 40 % de la population masculine de la commune évaluée à 1100 hommes. Bien sûr cette mobilisation va s’étaler tout au long de la guerre mais les classes les plus jeunes seront appelées de façon anticipée afin de combler les pertes importantes subies par l’armée française.

Dès le 30 juillet 8 hommes sont appelés pour la garde des voies de communication, au cours de la première semaine 170 hommes sont mobilisés : 3 le 1er Août, 45 le 2 Août, 42 le 3 Août, 40 le 4 Août, soit un total de 211 pendant le seul mois d'Août et de 274 pendant toute l'année 1914. Le recrutement continuera au rythme de l'appel des nouvelles classes et du rappel de certains hommes qui avaient été reconnus inaptes au moment des conseils de révisions ou des commissions de réformes. En 1915, 51 hillionnais partiront au front, 40 en 1916, 21 en 1917 et 14 en 1918, pour cette dernière classe d’âge certains n’avaient même pas encore 19 ans! Il faut y ajouter une quarantaine d'autres jeunes qui étaient déjà dans l'armée ou dont les dates de recrutement sont incertaines.

Poilus de la région de Saint-Brieuc
74e RIT. Tous des bretons de larégion de Saint-Brieuc
Fiche matricule

La vie à Hillion pendant la guerre

 

L'administration communale a continué à fonctionner pendant toute la durée de la guerre, les maires ayant très souvent, passé l'âge d'être mobilisé, les instituteurs non mobilisés ou les institutrices ont rempli les fonctions de secrétaires de mairies.

 

A la fin Août le souvenir des absents vient préoccuper les esprits, les rares nouvelles deviennent plus abondantes et parfois se contredisent , les premiers blessés arrivent, malgré l'arrêt de l'avance allemande, la guerre se poursuit avec l'angoisse d'apprendre un malheur.

 

La vie économique a continué , pendant la durée de la guerre, grâce aux femmes, aux enfants, et aux « vieillards » . La population n' a pas trop souffert de rationnement, ni d'argent avec les pensions et allocations de l’État versées aux veuves et orphelins, et si  l'augmentation du prix des denrées a enrichi les cultivateurs et les commerçants, la dernière année a été plus difficile avec l'arrivée de la grippe.

 

A l'église, les prêtres ont entretenu le patriotisme par la lecture des lettres pastorales de l'évêque de Saint Brieuc dans lesquelles il exaltait la gloire des soldats et le devoir des civils.

 

Un autre fait qui a contribué à maintenir le bon esprit et le patriotisme dans la population , à la faire tenir, c'est la lecture des journaux. Les familles lisent beaucoup, surtout le dimanche, les faits de la semaine. Les journaux, tous de tendance modérée, sont écrits dans un très haut sens patriotique. Les plus lus sont: Ouest Eclair de Rennes, Le Petit Parisien, La Croix, Le Moniteur des Côtes du Nord, …..  Il en est résulté  que cette  lecture a puissamment contribué à conserver le moral de la population et que l'instruction générale s'est développée.

 

Pendant toute la durée de la guerre, les enfants ont continué à fréquenter l'école. Pendant les hivers rigoureux de 1914 et 1915, les femmes  et les élèves ont confectionné des vêtements chauds pour les soldats.

 

Le 11 novembre 1918, le grand soulagement, dès la connaissance de la signature de l 'armistice les cloches sonnent, les enfants chantent des chants patriotiques.

Affiche patriotique

Les conséquences de la guerre

 

Dans ce conflit, 90 Hillionnais sont MORTS POUR LA FRANCE,  126 noms figurent sur les monuments aux morts d'Hillion et de Saint René (résidents et natifs d'Hillion )  auxquels doivent s'ajouter des oubliés, au total 145 noms pourraient y être inscrits.(fiches 010901 et 010902)

A la fin de cette terrible guerre la France est victorieuse mais épuisée. Ce conflit aura endeuillé de nombreuses familles, laissé des veuves, des orphelins, des blessés «  les gueules cassées », des traumatisés à vie.

Fiche de soldat « mort pour la France » -document « Mémoire des hommes »
 Etienne Cabaret, aumônier militaire, mort pour la France et une de ses lettres - 1
Etienne Cabaret, aumônier militaire, mort pour la France et une de ses lettres - 3

Les monuments aux morts

Pour rendre hommage aux soldats morts pour la France, l’Etat encourage dès 1919 la construction de monuments aux morts. Il promulgue plusieurs lois qui en définissent le cadre. Toutes les communes décident d’ériger de tels monuments. Pour les financer, l’Etat octroie des subventions qui sont fonction du nombre de soldats morts et du chiffre de la population. Ces subventions de l’Etat sont généralement insuffisantes, de nombreuses communes aux revenus souvent modestes, sont dans l’incapacité, même en y ajoutant des subventions communales, de financer leur monument aux morts. Des appels à souscription sont lancés auprès de la population qui y répond avec ferveur, ainsi que de généreux donateurs.

La conception des monuments est laissée à l’appréciation des communes. En 1920, la municipalité de Hillion, désormais tenue par les radicaux-socialistes vote la création d’un monument aux morts à Hillion. Elle désire un monument neutre et laïc. Le recteur refuse de le bénir s’il n’y a pas une croix. On tergiverse et finalement, il est accepté une petite croix sur le sommet.

Aucune directive ne fixe les règles d'inscription des noms sur les monuments. Les municipalités fixent leur choix et optent, très souvent pour l'inscription des natifs et des résidents de la commune.Toutefois, on peut constater de nombreuses exceptions, des noms apparaissent de soldats n'ayant plus de lien avec la commune ou celle-ci n'étant que le lieu de résidence des parents.

Pour la commune de Hillion, qu’il s’agisse du monument aux morts du bourg de Hillion ou de celui de Saint René, l’association « Histoire et Patrimoine de Hillion » a réalisé un important travail de recherches, avec croisement de diverses sources, qui a permis de clarifier cette question.

Sur le monument aux morts du bourg de Hillion sont inscrits 85 noms, qui se répartissent de la façon suivante :

  • 66 résidants dans la commune
  • 16 non résidants (originaires ou non de la commune)
  •   3 d’origine inconnue

A Saint René, le projet initial prévoyait l'apposition d'une plaque de marbre dans l'église Saint Ronan. Compte tenu du montant des fonds collectés (souscription publique, subvention municipale et subvention préfectorale) qui dépassa les prévisions, il fut décidé d’ériger un monument aux morts.

 

41 noms apparaissent sur le monument aux morts de Saint René :

  • 33 résidants dans la commune
  •   6 non résidants
  •   2 d’origine inconnue.

En outre, l’étude des 706 fiches matricules des soldats recensés (originaires de Hillion ou résidants) montre que 2 Hillionnais morts pour la France, résidant dans la commune, ne sont pas inscrits sur les monuments aux morts, et que 25 autres poilus morts pour la France, nés à Hillion, mais n’y résidant plus lors de la guerre, ne sont inscrits ni sur les monuments aux morts de la commune ni sur ceux d’une autre commune.

Les  deux soldats résidants à Hillion avant la guerre, non inscrits, sont :

  • Jean-François HERVE, mort le 21 octobre 1915 à Villiers Marmory (51)
  • Pierre-Marie FEURGAT, mort le 24 février 1915 à l’hôpital de Cherbourg (50), marin, non déclaré mort pour la France

 

 

Plan du monument et carte postale de 1925 - 1
Plan du monument et carte postale de 1925 - 2
subvention communale et souscription plaque commémorative à Saint René