Histoire de 1341 à 1900 (partie 5)
Le XIXe
Hillion au XIXème siècle est un copier-coller très fidèle de « la France au XIXème siècle », signe que la commune est entrée dans l’ère moderne. Les communications sont plus rapides, les progrès techniques atteignent toutes les régions, et l’éducation et la santé font leur entrée dans les mœurs de l’époque. Les changements politiques municipaux sont décalqués sur les changements nationaux et les régimes successifs, Empire, Restauration, Monarchie de Juillet, 1ère république, Second Empire, 2ème république vont tous avoir un impact sur la vie politique de la commune
La place de Kersaint dans les années 1830
De 1826 à 1847, Marie Anne Le Loutre, qui avait obtenu d’être directrice des Postes à Saint-Brieuc et qui avait été le relais des Chouans pendant la Révolution s’installe à Kersaint. Elle est très proche des frères Lamennais qui instaurent de nombreuses écoles en Bretagne. Elle fit du manoir, à cette époque un salon littéraire et politique qui vit de nombreux visiteurs illustres dont peut-être Frantz Liszt (Fiche 060138), et plus certainement l'abbé Le Voyer, le futur Cardinal de Perpignan, Philippe Gerbet et Charles de Montalembert
Les changements politiques au XIXème siècle
La municipalité de Hillion sera chamboulée à chaque bouleversement politique. En 1830, Louis Le Corgne de Launay, considéré comme carliste (fidèle aux royalistes légitimistes) sera remplacé à la mairie par Jean Botrel. La violence politique entre ces factions est difficile à imaginer aujourd’hui, mais Pierre Jaffrelot nommé adjoint devra envoyer une lettre au préfet du département pour le convaincre de son attachement au nouveau régime de Louis-Philippe.
Jean Botrel (fiche 210315), suite à une pétition des conseillers municipaux en 1837, sera remplacé par ce même Pierre Jaffrelot, qui cédera sa place en 1848, lors de la mise en place de la seconde république de nouveau à Jean Botrel Mais en 1852, c’est Pierre Delanoë qui viendra avec le second Empire, et cela jusqu’à sa chute en 1871.
L’éducation au XIXème siècle
En 1833 la loi Guizot propose une organisation de l’instruction primaire et son contrôle.
Elle distingue l'instruction primaire élémentaire qui « comprend nécessairement l’instruction morale et religieuse, la lecture, l’écriture, les éléments de la langue française et du calcul, le système légal des poids et mesures », et l'instruction primaire supérieure qui comprend « des éléments de mathématiques, de sciences de la nature, d'histoire et de géographie ». Les notions plus avancées sont étudiées « selon les besoins et les ressources des localités ».
C’est une première guerre scolaire en France. Les catholiques rejettent l’idée d’instruction publique, la gauche « voltairienne » celle d’enseignement confessionnel.
A Hillion, on a construit, dès 1832, malgré l’avis défavorable du clergé, une école primaire confessionnelle à la maison dite aujourd’hui « Judicaël » ainsi nommée en souvenir du dernier frère de la communauté Honoré Nadreau qui y fit l'école jusqu'en 1873. Le premier frère nommé fut Frère Elisée, Jean Dupas, décédé à Hillion en 1851 dont il nous reste une abondante correspondance avec Jean Marie de Lamennais (fiche 210313).
Mais cette école ne concerne que les garçons. Le caractère confessionnel n’échappe à personne, puisque ce sont les frères de Lamennais de Ploërmel qui s’occupent de l’éducation.
Il faut attendre 1847 pour la création d’une école de filles tenue par les sœurs du Saint Esprit de Saint-Brieuc.
Cet enseignement permet toutefois à toute une classe d’âge d’apprendre à lire et écrire. En 1870, on ne trouve plus aucun illettré sur la commune.
Pour l’école publique, il faut attendre.
En 1857, les esprits ont légèrement évolué et une école confessionnelle neuve est construite sur un terrain où se trouve désormais l’école publique actuelle. Car les lois scolaires de 1881 qui décrètent l’instruction publique obligatoire vont faire laïciser ce bâtiment, contre l’avis du conseil municipal et du Maire, Henri du Fou de Kerdaniel.
La guerre scolaire n’est pas finie, car d’autres bisbilles sont utilisées pour empêcher de construire une école publique de filles.
(fiches 010402, 010405, 010407, 010411, 010412, 010413, 010417, 010419, 010420,010422 qui concernent toutes l’histoire de l’éducation sur Hillion)
A Saint-René de 1820 à 1850, c'était un aveugle Jean Urvoy qui faisait la classe " en plein air". Il enseignait surtout le catéchisme, près de la croix de Saint René. (fiches 010402, 020308)
Les habitants de Saint René réclamaient à cor et à cris une école. En 1870 le Conseil municipal vote une subvention de 4000 francs. Mr du Clézieux fait don du terrain. L’école des Sœurs à St René date de 1875, près de l'église.
Le Recteur explique le choix de l'emplacement alors qu'au départ l'école devait être de l'autre côté de la route. "Les sœurs auraient à traverser, plusieurs fois par jour, une route très fréquentée ; et puis, elles auraient à passer, plusieurs fois par jour, devant deux auberges et seraient ainsi exposées fréquemment aux quolibets et railleries des ivrognes, des débauchés, et souvent des impies"
L’école sera laïcisée en 1897 et une autre école confessionnelle verra le jour
La vaccination
Depuis 1820, on tente de vacciner contre la variole de façon étendue sur le territoire.
En 1843, 1858 et 1880, plusieurs projets de loi ayant en vue une obligation vaccinale échouent. Toutefois, l'obligation est imposée à différentes catégories de la population : les enfants placés en nourrice et leur gardienne en 1874, les conscrits en 1876, les écoliers en 1882, les lycéens et collégiens en 1883, les étudiants en médecine et pharmacie en 1891.
A Hillion, les campagnes de vaccination commencent en 1849 et suivantes, avec tous les enfants de moins de 5 ans. (Fiche 210305)
Ce sont les religieuses qui vaccinent les enfants. A partir de 1880, seuls des médecins diplômés peuvent le faire.
Les Polders
Dès 1785, les salines ont pratiquement laissé leurs places à des polders. Le principal est celui de Pissoison. De nouvelles digues vont se construire, et isoler des terres jusque là envahies par la mer.
Au XIXème siècle, le maraichage, déjà célèbre sur les communes de Langueux et d'Yffiniac, trouve ainsi un débouché naturel avec ces nouvelles terres gagnées sur la mer.
En 1823, Jean Guillaume Botrel (qui deviendra maire en 1848), propriétaire d’une portion des Marais d’Hillion , élève une chaussée de 400 mètres de long sur 2,40 mètres de large ayant un mètre au sommet et 6,50 mètres à la base. Derrière, il y cultivera de l’orge et du froment avec des rendements particulièrement abondants dans les terrains ainsi poldérisés.
Au début, cette poldérisation comprend surtout des prés. Plus au sud, au niveau de Sous le Gué et des Champs Durand, le polder n'est qu'embryonnaire. Une dizaine de journaux sont mis en culture autour d'une maison appelée "le Morais". C'est un véritable ilôt dans le marais maritime, entre les chenaux du caler (l'ancien Camoy). Le reste est inscrit soit comme "marais herbu que la mer couvre en pleine lune", soit comme "section qu'il n'est guère possible d'enclore, la mer monte trop". Une partie sert aussi à tirer le "sable" nécessaire aux salines. Une grande part du marais est afféagée entre quatre personnes.
(Fiches 050202, 060101, 050501,050502, 130102)
L’exode rural
A partir de 1846, la Bretagne sera victime d’un exode rural plus ou moins important selon les communes. Hillion n’échappera toutefois pas à cette tendance. Il y a 2873 habitants en 1846 et il n’en reste plus que 1950 au début du XXème siècle.
Comme dans d’autres régions, l’industrialisation appelle des hommes, et la bourgeoisie qui détient ces usines emploie de nouveaux domestiques pour les servir.
Paris deviendra une terre d’accueil pour ces bretons à l’instar de Renée Briend née à Hillion, qui sera l’épouse du Père Tanguy, le marchand de couleurs et collectionneur de tableaux qui fit connaitre, entre autres, Van Gogh.
Renée Briend sera peinte par ce dernier. (fiche 070107)
Certains jeunes hillionnais partiront entre 1850 et 1860 en Patagonie afin d’y récolter le guano. Ceux qui revenaient au bout de deux ou trois ans passés dans ces régions d’Argentine et du Chili s’y faisaient un petit pécule. D’autres ne reviendront pas. (fiche 210310).
Saint René
Ce hameau de la commune n'a que 80 habitants en 1789.
Avec le développement de la route Paris-Brest et l'amélioration des routes au XIXème siècle, le village va grandir et se développer au point d'y forger une nouvelle identité.
La chapelle de Saint René est petite, et les paroissiens qui habitent dans le quartier souhaiteraient l'érection d'une église à la place de cette chapelle dédiée à Saint Ronan, en raison de la présence de ce moine dans un ermitage au VIe siècle.
En 1867, le Conseil municipal ne donne pas suite à une pétition des habitants de St René au Préfet pour cette demande. Les prétextes invoqués sont jugés inexacts. La mairie rappelle qu'il y a une messe tous les dimanches à Saint René, que les enterrements se font encore dans leur cimetière (autour de la chapelle) alors qu'en 1842, un grand cimetière a été construit route de l'Hôtellerie au bourg d’Hillion, mais que les habitants de Saint René refusent d'y être enterrés. (fiches 010423,010424)
Il faut attendre 1871 et un maire très proche des milieux catholiques, Henri du Fou de Kerdaniel, ainsi qu'un regain pour la spiritualité après le troisième empire et la défaite de 1870, pour que les habitants de Saint René puissent faire paroisse à part et construire cette église, dédiée à Saint Ronan.
(Fiches 020102 et 210306)
Les habitants de Saint René ne veulent pas en rester là. Après la scission de la paroisse, ils tentent de séparer leur quartier de la commune d'Hillion pour créer une nouvelle commune, en 1892. Une autre pétition "douteuse quant aux signatures et moyens employés pour cela" ne fonctionne pas cette fois. Henri Du Fou de Kerdaniel et la municipalité refusent cette séparation. Elle est parfois encore dans les esprits... (fiches 210308 et 010425)
La Guerre de 1870
Suite à la défaite de Napoléon III en septembre 1870, un gouvernement républicain tente de repousser la progression de l'armée prussienne. C'est dans ce contexte qu'est mis en place à Conlie, près du Mans, une "Armée de Bretagne" à l'initiative du général de Keriatry. Cette armée souffre des intempéries, le terrain où les volontaires sont casernés est transformé en gadoue, et du désordre général occasionné à la fois par l'équipement militaire obsolète (récupération de fusils de la guerre de succession américaine) et le peu de confiance que font Gambetta et Freycinet aux Bretons.
La variole va s'installer et 143 soldats bretons (dont trois Hillonnais) en mourront. (fiche 210311)
Henri du Fou de Kerdaniel
Son beau-père avait été maire d'Hillion de 1815 à 1830 : Jean Baptiste Le Corgne de Bonabry (1786-1843), chevalier, conseiller d'arrondissement et député légitimiste à l'Assemblée nationale. A l’époque de la souscription nationale pour offrir le château de Chambord au duc de Bordeaux (1821), il avait pu faire voter une somme de 60 francs à la commune d’Hillion pour cette action « légitimiste » (Fiches 210301, 210302)
Henri du Fou est nommé maire en 1871. Il est le dernier maire "nommé". Par la suite il est élu à toutes les élections jusqu'en 1910 où son fils Henry Joseph du Fou (1865-1939) lui succède. Il est royaliste, représentant titré du Comte de Chambord dans le département. Il aura à cœur de préserver les intérêts de l'église et des possédants, tout en étant très proche des petites gens.
Mais son catholicisme militant le conduit à lutter contre les lois de l'éducation de Jules Ferry en 1881, puis de façon virulente contre les lois de 1905 sur la séparation de l'Eglise et de l'Etat, nommées "lois scélérates".
L'aspect royaliste apparait dans les délibérations du Conseil municipal : chaque année à partir de 1880, la fête nationale du 14 juillet doit être célébrée dans chaque commune, mais il répond au préfet régulièrement « qu'il n'y a pas d'argent pour ce type de célébration, et que de toute façon, il n'y a jamais eu, quelles que soient les tendances de gouvernement, de ce genre de festivités dans la commune »