Mémoire contemporaine (partie 5)

L'APRES GUERRE
ET LES TRENTE GLORIEUSES

 

Dans les années 50, à l’instar de nombreuses communes bretonnes identiques, Hillion veut entrer dans la modernité. Elle saura garder toutefois son caractère rural et s’adapter aux désirs et envies d’une population demandeuse de plus d’infrastructures et de confort.

 

De nombreux aménagements ont lieu, zones artisanales, bâtiments communaux, lotissements, amélioration des structures existantes. Mais Hillion ne s'engagera pas dans la voie du tourisme de masse, en partie à cause du problème des algues vertes.

Dernière mise à jour, le 21 janvier 2021 à 11:56

Ernest Gaillard, un maire volontaire et historien

 

En 1945, une nouvelle municipalité est élue avec à sa tête Mathurin Guernion. Mais il faudra attendre des élections intermédiaires en octobre 1947, pour que soit élu un jeune conseiller, Ernest Gaillard.

 

A la suite du décès de Mathurin Guernion, Ernest Gaillard sera élu maire le 1er décembre 1948, par 11 voix contre 4 à Louis Guernion et une à Julien Cléret .

 

Ernest Gaillard sera l’artisan des profonds changements des années 50 à 70 dans la commune, aussi bien pour l’amélioration des routes et des chemins vicinaux, mais aussi des infrastructures nécessaires à une commune qui prend de l’importance.

 

Il sera également un historien local hors pair et si vous lisez ces lignes, vous pouvez apprécier ce que nous lui devons en matière de mémoire historique de la commune.

Ernest Gaillard (1910-2005)

Les grandes réalisations

 

Dès le début de son mandat, Ernest Gaillard aura la volonté d’épouser son époque et de moderniser la commune.

 

Ce seront dans les années 1950, de grands travaux sur les routes et chemins vicinaux qui seront prioritaires. L’élargissement de la voie d’accès à Hillion fera débat, le conseil municipal désirant qu’elle soit « la plus large possible ». Après bien des concertations et la volonté de Mme de Freslon, à qui appartenait la partie de terrain à agrandir, de ne pas vouloir sacrifier ses arbres, on aboutira à ce résultat surprenant de double voie unique qui fait la particularité et le charme de l’entrée du bourg.

 

Puis les grands travaux se succéderont pour l’amélioration de la vie de la commune, des lavoirs en 1953, la salle des fêtes de Saint-René, aménagée pour être aussi mairie annexe en 1957.

 

En 1955, la municipalité décide de construire une nouvelle mairie. Ce sera chose faite en 1960, l’ancienne devenant bibliothèque municipale. A cette époque, l’éclairage public est terminé et modernisé.

 

Le bourg de Hillion en 1950
La rabine des Aubiers en 1960
Salle des Fêtes de Saint René
La nouvelle mairie

Une commune en changement

 

A partir de 1962, les grands travaux seront légion, les terrains de foot, puis les cantines municipales en 1971 et 1972, le foyer rural en 1979 (devenu aujourd’hui salle de la presqu’île et salle des dunes) , la zone d’activité entre 1979 et 1984, le foyer-logement en 1983, les courts de tennis et l’école maternelle en 1985, la salle omnisports en 1987, l’aire des Gens du Voyage en 1988.

 

En 1971, un IMP (institut médico-pédagogique) se créait au lieu-dit « Les Sorbiers ». Il avait vocation d’accueillir en internat 80 enfants de 6 à 16 ans, présentant une limite importante de leur développement intellectuel, rendant impossible ou très difficile leur accueil en milieu scolaire classique.

 

Les zones artisanales de Beau Soleil et du Moulin à vent seront opérationnelles en 1985.

 

Quant à la loi de décentralisation de 1983, elle aura des incidences sur les décisions, car à partir de cette époque, la ville est responsable en matière d’élaboration du plan d’occupation des sols.

 

Les inondations ont été un fléau récurrent sur les basses terres de Hillion gagnées sur la mer. En 1960 une grande digue est construite.

 

Une politique de lotissements sera mise en œuvre. Dès 1963, la rue de la Gravelle est aménagée avec 5 lots (appelé à l’époque lotissement des Chauchix). A Saint-René, ce sont les lotissements du Domaine et du Château-Rouge, puis à Hillion, le lotissement des Portes et celui de la Motte-Verte qui urbaniseront rapidement (entre 1965 et 1985) la commune.

Néanmoins, Hillion reste une commune essentiellement rurale, et il faudra attendre 2014 pour ne plus voir un seul agriculteur élu au conseil municipal.

 

Le bourg en 1970 avant la construction du Foyer Rural et de la cantine scolaire
Une nouvelle digue (Ouest-France 1960)
Moissonneuse-batteuse

La guerre d'Algérie

 

Une mémoire non explicitée

 

Une importante section de la FNACA existe à Hillion, forte de 76 adhérents, regroupant la plupart des hillionnais natifs ou habitants la commune qui sont partis en Algérie. Aucun recueil de témoignage n’avait été réalisé. Ni même la moindre synthèse des principaux évènements concernant les adhérents, comme la date de départ en Algérie, la durée de séjour, l’unité d’affectation, les lieux fréquentés. D’autres appelés n’adhèrent pas à cette association, voulant oublier cette période qui les a beaucoup marqués. Quelques-uns se sont regroupés au sein de l’association 4ACG qui milite résolument contre la guerre et pour la fraternisation.

Un travail de recueil de la mémoire des anciens d’Algérie a été entamé par l’association. Certains ont adhéré immédiatement à cette proposition. Mais la porte a été rapidement fermée par d’autres, peu nombreux.

« Je ne dirai rien. On nous a fait faire des choses abominables alors que nous n’avions que 21 ans ! J’ai décidé en quittant l’Algérie, de tirer un rideau étanche sur ce que j’avais vécu là-bas. Je ne veux pas en parler »

Le traumatisme est encore très profond, les souffrances trop fortes, insoutenables, elles restent enfouies au plus profond. Ce refus de dire est un témoignage en soi qui en dit long sur cette sale guerre pendant laquelle, de part et d’autre, des atrocités ont été commises

Tous les appelés n’ont pas le souvenir d’un passé douloureux. L’un d’entre-eux a même terminé son témoignage par ces étonnantes paroles « En Algérie, j’étais heureux !».

 

Ces jeunes partis à 20 ans n’avaient souvent jamais quitté Hillion et ses environs. Ils ne connaissaient rien de la vie, et l’Algérie était pour eux un monde lointain dont il n’avait que de vagues notions quant à la géographie et à l’histoire. Ils étaient envoyés dans ce pays que, dans les années 50 et même 60, beaucoup affirmaient être la France. Les témoignages des appelés sont éloquents : « On était des gamins, on ne connaissait rien ! », et un autre dit « En arrivant en Algérie, nous avons vu des hommes en chéchias, des femmes voilées. On s’est dit : « C’est ça l’Algérie ? C’est ça ? Bon, il faut y aller, c’est la guerre. ». Et un autre, avec une certaine naïveté « C'est là que j'ai vu les premières femmes voilées, je les ai pris pour des bonnes sœurs ! ».

La conscience politique de la majeure partie des appelés était donc inexistante. Mais en était-il autrement de la population ? Certains ont témoigné qu’ils savaient bien qu’il y avait des évènements en Algérie, des problèmes de maintien de l’ordre, mais n’écoutaient pas où ne lisaient pas les informations, l’un d’entre eux m’ayant avoué que, dans les journaux, seul le foot l’intéressait. Pourtant, certains s’interrogeaient. A la fin de ses classes, l’un d’entre eux pressenti pour suivre un peloton d’élève sous-officier a ainsi déclaré « Je suis prêt à prendre les armes pour aider la France si elle est attaquée. Mais en Algérie, je ne vois pas clair, je me pose des questions ».

Il ne s’agit pas ici de retracer la guerre d’Algérie, mais seulement de donner quelques repères en attendant la publication d’un livre sur les Hillionnais pendant la guerre d’Algérie dont la rédaction est projetée sur la base des témoignages en cours de collectage.

 

Les Hillionnais présents durant toute la durée de la guerre

 

Les premiers appelés du contingent sont arrivés au cours de l’été 1954 pour un service militaire classique, avant le commencement de l’insurrection qui a débuté le 1er novembre 1954. Certains sont restés après la déclaration de l’indépendance de l’Algérie le 3 juillet 1962. Les appelés Hillionnais ont donc été présents tout au long de ces huit années de guerre.

Ils ont été dispersés sur tout le territoire algérien, de la frontière tunisienne à la frontière marocaine. Certains ont été affectés en Tunisie et d’autres au Maroc, où leurs conditions de vie étaient très différentes de ceux qui étaient en Algérie. Ils ont été incorporés dans l’armée de terre, dans l’aviation et dans la marine. Ils ont connu des affectations très diverses : génie, infanterie motorisée, régiment de tirailleurs algériens, régiment de tirailleurs sénégalais, aviation légère de l’armée de terre (ALAT), artillerie, chasseurs à pied, groupe de transport, infanterie de marine. Plus étonnant, deux des appelés Hillionnais ont été affectés dans des groupe de spahis algériens, escadrons reconstitués dès le début de la guerre, pour pallier au manque d’infrastructures routières, alors que la cavalerie avait été dissoute après la guerre 39-45.

Au sein de ces unités, les missions accomplies ont également été très variées : planton, secrétaire d’officier, magasinier, chauffeur de poids lourds, mécanicien, convoyeur de train, ambulancier, opérateur radio, commando de chasse, et même instituteur !

 

Quelques brefs témoignages

 

Les témoignages suivants sont de très courts extraits de ce qui a été recueilli. Les enregistrements d’une durée variant d’une à deux heures ont été très denses, riches de souvenirs remontant progressivement à la mémoire, qui parfois étaient restés enfouis depuis leur séjour en Algérie. Ces témoignages seront retranscrits intégralement dans le livre projeté.

 

Témoignage 1 : 1954-1957 parachutiste 2e CLA  (Marcel - prénom modifié)

« On montait dans des Dakota pour l’entraînement en saut de parachute, et ensuite pour des opérations. Après, on sautait des Nord-Atlas. Au cours d’un entraînement je suis tombé sur un tas de cailloux et je me suis cassé une jambe. J’ai été envoyé à l’hôpital de Constantine. Le capitaine m’a dit « avec cette jambe cassée, comme tu es mécanicien, tu vas aller sur un camion de dépannage, mais attention, ce sera toi qui commanderas ».

On avait peu de formation. Les classes duraient 3 mois, mais les ¾ du temps on était sur le terrain. On nous donnait un fusil et hop on partait. Il y a beaucoup de gars qui sont morts en Algérie, morts pour la France, mais c’est parce qu’ils paniquaient. Ils étaient tétanisés. Il y en un qui s’est sauter par une grenade qu’il avait dégoupillé, iI fallait être rapide, et à çà je n’étais pas mauvais ! La guerre c’est une horreur !

En opération, on devait récupérer des fellaghas. On encerclait toute la colline. On était renseigné par les chefs de village. On était 40 à 50, pas plus. »

 

Témoignage 2 : 1954-1955 spahi  au 10e GESA (André G.)

« Il fallait savoir s’occuper des chevaux, il y en a qui ne savait pas marcher au pas, ils étaient nerveux, et c’était pas toujours facile de les monter. Notre uniforme comprenait la gandoura, le chèche et le pantalon serré aux chevilles. Je me rappelle encore comment il fallait mettre le chèche : c’était une bande de tissus de 1,50 m environ, avec une largeur de 10 ou 20 cm. »

 

Témoignage 3 : 1956-1957 - secrétaire colonel (Paul R.)

« J’ai fait mon service militaire de 1952 à 1954, puis j’ai été rappelé en 1956. A Oran, j’ai été immédiatement transporté à la base aérienne de La Sénia, située à environ 30 km d’Oran. C’était une très grande base avec de très nombreux bâtiments, et beaucoup d’hélicoptères : des « Bananes » pour les transports lourds d’hommes ou de matériels, des Sikorsky pour des transports moins importants, et des Bell d’observations et de transport de blessés. J’ai été nommé secrétaire du colonel Brunet, commandant de la base. Dans mes tâches administratives, il m’arrivait souvent d’aller porter à l’autre extrémité de la base des ordres pour des opérations, aux parachutistes et aux commandos de marine qui partaient avec les hélicoptères. J’ai été bien préservé pendant ce séjour qui a duré 6 mois. »

 

Témoignage 4 : 1956-1958 chasseur à pied au 4e DIM Division d’Infanterie Motorisée (Jacques - prénom modifié)

« Il fallait faire le ratissage des douars et une fois on est arrivés en renfort après mais les gars qui étaient arrivés au douar se sont fait allumer… beaucoup de douars sont entourés de haies, on appelle ça des figuiers de Barbarie qui piquaient, et souvent il fallait les traverser. Et un groupe s’est fait allumer parce qu’ils étaient à découvert et les fellaghas étaient derrière les haies là et ils les ont allumés nous on est arrivés en renfort après et donc là c’était fin 57. Après avoir attrapé une jaunisse, on m’a mis sur un scout-car à la mitrailleuse, donc on arrivait en renfort quand y avait un accrochage quelque part ou alors on ouvrait les pistes, voir s’il n’y avait pas des mines avant le passage des autres véhicules, des chars et tout ça… »

 

Témoignage 5 : 1957-1959  Opérateur radio (Michel A.)

« Quand nous étions de sortie j'avais donc sur le dos les 20 kg de mon poste radio à supporter et toujours de près avec le capitaine pour qu'il puisse donner des ordres, en plus de mon PA (pistolet automatique) et ma ration, il fallait être en bonne santé. Je n'ai pas été malade. J'ai en souvenir la garde dans les chambres : il fallait 2 gardiens, un français et un algérien. Il y avait beaucoup d'appelés algériens, ils s'engageaient et avaient une paie qu'ils envoyaient à leurs familles, et une fois ils ont réussi à enlever le Français qui a été remplacé par un algérien et ça c'était formellement interdit. Ce qui est arrivé le matin, ils ont découvert tous les Français égorgés dans leur lit… En opération quand on accrochait, qu'on trouvait des fellaghas en opération, il y avait des armes qui parlaient. »

 

Témoignage 6 : 1958-1960  fusilier-marin, puis commando, puis instituteur (Denis R.)

« On sortait aussi la nuit pour intercepter les gens, les officiers savaient où ils allaient passer parce les services de renseignement avaient eu des informations par des interrogatoires, qu’étaient pas fait avec des sucettes ! Ils disaient aux officiers, tel jour il y aura tel groupe à tel endroit. Quand on faisait des prisonniers on les amenait au service de renseignements à Nemours au Deuxième Bureau où ils étaient interrogés. On sait que ça se passait mal, on n’a jamais vu une guerre intelligente. (…)

J’ai aussi fait l’école, en même temps ! Je n’ai pas fait que garder un piton. En arrivant, au bout de trois mois, j’ai vu que ça sentait mauvais, et ils ont demandé s’il y avait des volontaires pour faire instit. A part lecture, additions, soustractions, je n’y connaissais rien. Ils nous ont fait passer des tests pendant 8 jours et j’ai été pris. Je faisais la classe pendant la journée et s’il y avait des opérations la nuit, je devais y aller. C’était pas 8 heures / 8 heures, il n’y avait pas d’horaires.  J’avais un garde du corps qu’était licencié en droit, j’avais été plus fort que lui aux tests ! Il montait sur le toit pour nous garder. Il y avait deux classes d’une vingtaine d’enfants, filles et garçons, les plus jeunes avaient 6/7 ans et les plus âgés 12/13 ans. Ils très intéressés et très intelligents, et très polis. Je me souviens de Yasmina, elle était très intelligente. La plupart étaient bilingues, ils parlaient arabe et français. Je leur donnais à manger à 10 heures. Il y en avait qui parlaient peu français, et quand je suis parti ils faisaient des divisions à deux chiffres ! Ma classe se trouvait à environ 2 km de mon piton, à côté d’une mechta. On n’a jamais eu de problèmes avec qui que ce soit. Les gamins me prévenaient quand il y avait quelqu’un à côté. Les parents n’intervenaient jamais, on n’a jamais eu de problème avec les parents. »

 

Témoignage 7 : 1958 mécanicien sur la ligne Morice au 3e Hussards (Pierre C.)

Le 3e régiment de hussards était basé à Dréa. Moi j’étais affecté avec un détachement à Montesquieu. C’était une petite bourgade, il y avait peu d’européens, quelques mechtas en périphérie. On était une soixantaine. On avait des bâtiments en dur, et aussi des tentes. Il y avait un atelier en dur qui était assez important. Le camp était collé au village, on n’était pas excentré. Le garage donnait presque sur la route. Il n’y avait aucune méfiance. On allait manger du couscous chez l’arabe du coin, il aurait pu nous flinguer plutôt 10 fois qu’une. On allait sans arme, sans rien. Il y a un gars qui était parti essayer une moto, il est tombé, l’essence coulait, il avait les pieds pris dedans. Un arabe passait par là, un ancien, qui est venu l’aider à se relever. Il aurait pu jeter une allumette sur l’essence !  On allait se balader au marché à côté, on n’avait pas d’arme. J’aimais bien toutes les odeurs des épices, de la viande, des fruits confits. On n’était pas méfiant, on ne sentait en sécurité.

On avait la herse à côté, la ligne électrifiée. On n’était pas loin de la frontière tunisienne. Les gars de Dréa allaient sur la herse. On allait les dépanner là-bas. Quand on allait faire des dépannages avec le wrekek (un gros camion) sur la ligne électrifiée, on était accompagné par des automitrailleuses. La ligne Morice était faite avec un réseau électrifié, des fils électriques sur des poteaux. De chaque côté il y avait des rouleaux de fil de fer barbelé sur plusieurs mètres, au moins 5 à 6 mètres. On avait une piste à l’intérieur pour faire la ronde, il y avait des patrouilles jour et nuit pour voir si le fil n’était pas coupé. Il y avait d’autres régiments que le nôtre.

 

Témoignage 8 : 1958-1959  artilleur  au 455e RAA (Robert G.)

« En bordure et au pied de notre camp, il y avait une zone électrifiée et minée. Le camp était entouré d'un mur de maçonnerie de deux mètres de hauteur. Il y avait un mirador pour la sentinelle. Nous dormions dans des sortes d'abris de jardin. A mon arrivée, j'ai dormi pendant trois semaines sous une tente, puis ensuite dans un abri. La première nuit, ça tirait beaucoup, le radar avait détecté des tentatives de passage depuis le Maroc. Mais ensuite il n’y a presque plus eu de tentatives, j’ai été réveillé seulement 2 ou 3 nuits. Mais avant que j’arrive au camp, ça tirait toutes les nuits.

En bordure et au pied de notre camp, il y avait une zone électrifiée et minée. Le camp était entouré d'un mur de maçonnerie de deux mètres de hauteur. Il y avait un mirador pour la sentinelle. Nous dormions dans des sortes d'abris de jardin. A mon arrivée, j'ai dormi pendant trois semaines sous une tente, puis ensuite dans un abri. La première nuit, ça tirait beaucoup, le radar avait détecté des tentatives de passage depuis le Maroc. Mais ensuite il n’y a presque plus eu de tentatives, j’ai été réveillé seulement 2 ou 3 nuits. Mais avant que j’arrive au camp, ça tirait toutes les nuits. »

 

Témoignage 9 : 1960-1961  ambulancier au 41e RIM (Bernard B.)

« Je conduisais une ambulance 4x4, au début j’avais un dodge. Elle avait fait la guerre 39-45, il n’y avait pratiquement pas de frein dessus ! L’infirmerie de la caserne avait été construite par des. Le bâtiment faisait environ 50 mètres de long. Il y avait un capitaine, un lieutenant et un aspirant tous trois médecins, un sergent, un caporal-chef et des infirmiers et conducteurs. Il y avait un infirmier de profession, les autres avaient été formés par l’armée. On y soignait non seulement les militaires français, mais aussi des fellaghas et la population.

L’infirmerie faisait également des campagnes sanitaires dans les douars. On y allait avec l’ambulance. Le médecin descendait et la consultation avait lieu dans une maison. Il n’y avait que des femmes et des enfants à la consultation. Pas d’homme. Fallait pas toucher aux femmes ! On emmenait celles qui étaient en fin de grossesse à l’hôpital. Il y avait un bâtiment pour les européennes et un autre pour les algériennes. »

 

Témoignage 10 : 1961-1962 commando de chasse au 10e RAA (Lucien C.)

« Tous les jours nous partions en patrouille de 6 à 8 soldats, pour surveiller le secteur et repérer d’éventuels mouvements suspects. Souvent on nous envoyait sur des pitons du voisinage pour contrôler les mouvements sur les routes et les pistes, et sécuriser le déplacement des véhicules civils et militaires. Les véhicules circulaient alors par groupes quand nous estimions la route sans danger. Les fellaghas savaient bien que nous allions faire des observations sur les pitons, et ils y posaient souvent des mines. Le premier travail avant d’arriver sur un piton était donc de s’assurer qu’il n’y avait pas de mine, et un démineur passait devant la patrouille. Une fois, le démineur n’a pas été suffisamment attentif : il a sauté sur une mine qui lui a arraché les deux jambes, c’était horrible. Il a été transporté par camion à l’hôpital d’Orléansville où il est mort. »

 

Témoignage 11 :  1961-1962 - commando au 6e RIMA (Joseph L.)

« Lorsque nous avons assuré la sécurité à Oran après la signature du cessez le feu, on patrouillait en ville. Nos officiers étaient des jeunes qui avaient l’école de Cherchell : ils étaient très exigeants : quand on allait patrouiller en ville, il fallait qu’on soit impeccable, avec les chaussures cirées comme pour une revue ! Ils ne toléraient pas d’écart de comportement. Ces officiers étaient très différents de ceux que nous avions eus sur la frontière avec le Maroc qui eux, étaient des briscards qui avaient fait la guerre d’Indochine et auraient bien continué la guerre… Sur les murs, l’OAS nous appelait à ne pas obéir aux ordres.

Lors d’une patrouille en camion, un autre camion d’une autre compagnie est arrivé à notre hauteur et s’est arrêté. A l’arrière il y avait des soldats et des algériens qui avaient été embarqués. Les soldats les ont fait descendre du camion, puis leur ont dit de partir. Quand ils étaient à une certaine distance, ils leur ont balancé une grenade qui a atterri entre les jambes d’un algérien, l’horreur ! Et ça faisait rire les autres militaires ! »

 

Témoignage 12 : 1962 - Gendarme escadron basé au Palais d’été (François B.)

« Le 20 mai 1962 : fusillade rue de Lyon. En patrouille à bord d’un scout-car armé de mitrailleuse de 12,7 nous fonçons pour nous sortir rapidement de cette rue; les bombes  placées dans des immeubles ou des magasins explosent derrière nous. Des débris sont projetés en l’air puis retombent un peu partout. Nous sentons un moment le souffle d’une explosion à l'angle d’une rue. Drôle de spectacle, ça sent la poudre! L’O.A.S. plastique les villas et les immeubles abandonnés par la population qui fuit l'Algérie. Les murs sont tagués d’inscriptions : « OAS frappe où elle veut et quand elle veut », « OAS vaincra », « Vive les pieds noirs », « de Gaulle = Kroutchev »,  « CRS SS » , etc. »

 

Défilé de parachutistes à Philippeville - 14 juillet 1954
Bivouac dans les hauts-plateaux
Base aérienne de la Sénia près d'Oran
Départ pour un ratissage
En opération dans les djebels
Instituteur le jour, commando la nuit...
Camion de dépannage toujours en appui des ratissages
canon de 105 HM2 sur la frontière marocaine
Ambulance type Dodge
Campement du commando de chasse
Quadrillage de la ville d'Oran en 1961
Lutte contre l'OAS à Alger

L'activité mytilicole

 

Dans les années 1950, une maladie parasitaire (la mytilicola intestinalis) a dévasté à plus de 95% la production mytilicole de la baie d’Aiguillon en Charente-Maritime.

Pour les mytiliculteurs de Charron, il faut trouver d’autres sites pour se reconstruire. Ils choisissent la Baie du Mont St Michel (Le Vivier/s/mer), St Cast-Le Guildo et surtout la baie de Saint Brieuc (Hillion) où les marées importantes conviennent parfaitement à cette activité.

 

Une dizaine de familles de charentais vont s’installer à Hillion. Cinq sont encore présentes à Hillion, dont celle de Jean-Marie Hurtaud dont voici un témoignage :

« Changement de décor : A Charron, le travail se faisait en bateau. Ici, tracteur et véhicules de récupération de l’armée. Côté humain, l’accueil était à la méfiance : que venaient faire ces Charentais dans notre baie. »

Une délibération du conseil municipal du 31 mars 1963 donne acte de la création de bouchots, tout en déplorant l’enlaidissement de ces beaux sites qui étaient naturels, et demande le libre exercice à l’intérieur des bouchots de la pêche à pied.

« Le  maire voulait même créer une zone pour les mytiliculteurs avec leurs habitations à l’image d’un coron »

De nombreuses pétitions circulèrent pour empêcher l’installation des bouchots.

 

« Au fur et à mesure, nous nous sommes intégrés en participant aux diverses associations du village. Aujourd’hui, nous sommes des Hillionnais, acteurs de l’économie de la ville. Les bouchots sont une source d’intérêt touristique et une activité qui emploie de la main d’œuvre locale, notamment en été avec les saisonniers scolaires. La mytiliculture, un beau et rude métier exigeant et tributaire de la marée, de la météo et de la consommation du produit »

 

Actuellement, la longueur des bouchots en baie d’Hillion est de 83 kilomètres, partagée en 48 concessions. En 1983, La zone d’activité mytilicole est construite et 5 des exploitants historiques y sont toujours présents.

 

Les débuts de la mytiliculture à Hillion
Estacade pour accueillir les bateaux
Les bouchots en 2001
L'arrachage des moules enroulés autour des pieux

La vie associative et culturelle

 

La troupe théâtrale de Hillion sera créée en 1945 par L’abbé Lescan et Joseph Campion. Cette troupe durera 70 ans avant de s’arrêter en 2015.Son originalité est d’avoir toujours eu un répertoire éclectique de qualité jouant aussi bien des pièces de boulevard que de grands auteurs comme Jean Anouilh, Eduardo Manet, Tcheckov, Dario Fo, etc..

 

Dans les années 50 et 60, la troupe se produisait dans la colonie de vacances du Chalet Blanc (désormais Maison de la Baie). Mais à partir de 1978, la sécurité interdisait tout spectacle dans ce site. La construction du Foyer Rural permettra à la troupe de se produire dans de bonnes condition. A cette époque Françoise Hébert la prend en main et la transforme en association indépendante des écoles libres dont elle était une émanation à la création. La troupe s’appellera « Art et Expression Théâtrale ». A cette époque Patrick Chanot, ancien comédien du Théâtre Populaire de Bretagne prend la direction artistique et officiera jusqu’en 2010. En 2009, la construction de l’Espace Palante donne aux acteurs une scène d’une autre dimension.

Un acteur professionnel, Jonathan Drillet, né à Hillion, commencera dans cette troupe. Il a été vu dans le film de Laurent Firode « Par Amour » et beaucoup au théâtre (et quelques pubs).

 

A Saint-René, il existera une troupe qui se produira au Foyer rural de Saint René entre 1950 et 1985 nommée « Les Joyeux colibris ».. Cette troupe sera reconstruite en 2003 sous le nom de « Rire et faire rire » et connaitra depuis un grand succès. Elle se diversifie en proposant en plus d’une pièce adulte, une pièce « jeune », des ateliers-théâtre, des pièces en gallo et un travail commun avec l’association musicale d’Yffiniac –Maniafoly- sur une comédie musicale.

 

 

La fanfare est de toutes les fêtes
Troupe de théâtre au Chalet Blanc en 1968
La troupe sur la scène de la Salle Palante en 2010
Jonathan Drillet

"Une Vie", film d'Alexandre Astruc

 

En 1957, l’équipe du film d’Alexandre Astruc, décédé en 2016, décide de tourner quelques scènes du début du film : « Une Vie » d’après le roman de Guy de Maupassant, sur les dunes de Bonabry. C’est un mystère, car l’intégralité du film est tournée au cap de la Hague. Seule la première minute se passe à Hillion. On voit parfaitement Pascale Petit et Maria Schell courir sur la plage.

 

Ces Dunes seront rachetées par le département à Mr Du Fou de Kerdaniel en 1981. Cette acquisition a été permise grâce à la taxe d’espaces verts. Cette taxe imposée sur les nouvelles constructions sert à l’achat de sites naturels en danger.

L'une des premières scènes du film, tournée à Bonabri

L'Amicale laïque

 

Elle est née en décembre 1951 de la volonté de certains habitants de créer des groupes d’éducation intellectuelle, physique et artistique pour les élèves des écoles publiques.

Le but de l’association était de « créer autour des écoles d’Hillion une atmosphère de confiance et de sympathie et de resserrer les liens de camaraderie entre les amis, les élèves et anciens élèves de ses écoles publiques pour la défense de l’école. »

La première présidente en fut Alice Collet, puis Berthe Frostin, Gérard Le Guen, Mme Bertho, Mme Bougeard, Marie-Thérèse Macé, Jean François Philippe en 1985, puis Nolwenn Lorant et enfin Nelly Bougeard.

L’amicale laïque a eu plusieurs sections sportives ou culturelles qui ont pour la plupart fusionné depuis avec d’autres associations locales (CAP, Théâtre, etc...)

Elle a toujours une section de gymnastique et de badminton et organise des soirées en commun avec les associations de parents d’élèves pour participer aux activités des dites écoles.

 

La bibliothèque a longtemps été une émanation de l’amicale laïque. Depuis 1987, la commune a récupéré l’activité devant l’ascension fulgurante de sa fréquentation. Elle se trouve désormais dans l’ancienne école Sainte Jeanne d’Arc achetée par la commune en 2006. En 2012 elle a muté en médiathèque, proposant divers supports culturels. Elle dait partie du réseau des médiathèques de Saint Brieuc Agglomération.

 

Pause
Médiathèque

L'ASHR

 

Le 11 décembre 1963, Alexandre Robert, boucher à Saint René, dépose les statuts du club de football d'Hillion à la préfecture des Côtes-du-Nord. Son nom, Avenir Sportif Hillion-Saint René, que l'on doit au boulanger François Penault, unit les deux clochers. Le premier match officiel victorieux face à Saint-Carreuc en 1964 (2 buts à 1). Dès 1966, l'équipe atteint la première division départementale.

L’association sera reconnue immédiatement par la commune qui lui donnera une subvention importante (2000 francs) dès 1964, puis 1000 francs chaque année jusqu’en 1966. Dès 1963, un terrain de football sera construit à Saint-René, celui de Hillion ne le sera qu’en 1977.

 

A noter qu’un footballeur professionnel né à Hillion sera issu de l’ASHR. Il s’agit de Patrice Carteron, qui sera respectivement joueur à Laval, Rennes, Lyon, Saint Etienne, Sunderland et Cannes, avant d’être entraineur de ce dernier club, puis de l’équipe du Mali.

 

Remise de trophée
Patrick Carteron

Les autres sports

 

A partir de 1970, le football cesse d’être le seul pratiqué. Une nouvelle population, venue des villes ou plus simplement des générations plus jeunes enclines à s’intéresser à d’autres disciplines s’installe à Hillion et crée de nouveaux clubs.

 

L’amicale laïque a plusieurs sections, yoga, basket, etc..) comme il a été indiqué ci-avant. Mais en 1976, Françoise Hébert crée le CAP (Club Athlétique de la Presqu’île) qui sera concurrent de l’amicale en matière de sports, sans pour cela se rattacher à une quelconque obédience patronale. Au départ, les disciplines sont complémentaires, danse, escrime et judo pour le CAP, mais d’autres seront en concurrence comme le tennis, la gymnastique et le tennis de table.

 

Plus tard ces clubs fusionneront et cette rivalité disparaitra. Actuellement le CAP a gardé uniquement le club de danse qui est très important en nombre d’adhérents et en qualité d’enseignement.

 

D’autres disciplines seront à l’honneur dès les années 1980, le cyclo-club créé par Jean-Yves Doré, puis le club de volley-ball et enfin au début des années 2000, l’association « Entre Dunes et Bouchots » issue de l’association des parents d’élèves de l’Ecole Saint Joseph, qui organisera chaque année un trail de qualité sur la commune en misant sur les atouts de la mer et des chemins. Henri Bourdonnais en sera l’artisan et cet événement est désormais un rendez-vous incontournable des amateurs du genre venus de toute la France.

 

Le judo se fait remarquer dans la presse en 1987
CAP Danse en 2005
Trail "Entre dunes et bouchots"

Les associations à caractère social

 

L’ADMR (Aide à Domicile en Milieu Rural)

Cette association, qui s’appelle au départ Association locale des aides familiales rurales d’Hillion, est née en 1952 à Hillion dans le but « d’aider la mère de famille rurale dans sa tâche au foyer en lui procurant le concours d’aides familiales, de prendre en charge les Aides familiales et de leur assurer un travail familial et social »

 

En 1999, les statuts en sont changés : « Aider à tous les moments de leur existence toute famille ou personne dans les communes ou les quartiers où elle exerce son action ». En 2004, l’association fusionne avec Yffiniac et devient ADMR de la Baie. Les différents présidents furent : Louis Cabaret en 1952, Pierre Guernion en 1963, Anne Le Montreer en 1969, Marie Annick Cabaret en 1979, Maryvonne Chanot en 1986, et Elisabeth Jouan en 2011.

Création de l'ADMR en 1952

Les kermesses et la vie des écoles

 

En construction

Kermesse
Ecole publique bourg de Hillion - 1938 - M. Michaud
Ecole Saint Joseph - 196 -abbé Lescant
Ecole privée de Saint René - 1947

La fête du cidre

Nous sommes dans l’année scolaire 1972-1973, à l’école catholique de Saint René, les responsables sont en période de réflexion et de recherche. Malgré la kermesse annuelle du 15 août, l’auto-cross organisé au mois de mai et l’aide de la commune (« contrat simple »), les ressources financières s’avèrent insuffisantes pour pallier aux dépenses inhérentes à l’école : construction de la classe maternelle, installation du chauffage central, matériel pour les classes, fournitures scolaires (gratuites pour les familles. Il faut donc trouver de l’argent…

L’AEP (Association d’Education Populaire) présidée par Raymond Onfray, en lien avec le directeur de l’école Henri Nicolas, cherche donc des solutions. C’est le trésorier, Guy Collet, qui a l’inspiration : « Il y a bien des « Fêtes de la bière » ailleurs, pourquoi pas une « Fête du cidre » à Saint-René ?  Et c’est ainsi que la « FETE DU CIDRE », introduite par la messe de l’Assomption (célébrée en plein air) naît en ce 15 août 1973, rassemblant une foule des grands jours…Très encourageant pour une première !

Au fil des années, la « Fête du cidre » va gagner ses lettres de noblesse…les organisateurs et acteurs (parents d’élèves et amis), soucieux de satisfaire les visiteurs, auront à cœur d’améliorer la qualité de la manifestation : dégustation de cidre, bien sûr, de galettes-saucisses, de frites. Souci également du décor : stands entièrement habillés de croûtes de bois et genêts (quel travail !), tonneaux, barriques, jeux attrayants (planche-bascule, barrique pivotante, lancer de gerbes…), grand concours de boules en triplettes (jusque près de 300 boulistes !), animation par des groupes folkloriques. Et tout cela autour du pressoé, du moulin et de la motte !... Eh oui, du cidre est fabriqué sur place, « stand-roi » conduit de main de maître par les « spécialistes du cru » dont les faits et gestes resteront gravés dans les mémoires…

Puis, surveillés par une joyeuse équipe bien rodée et efficace, apparaissent les cochons soigneusement embrochés qui, toute la journée, rôtissent doucement. L’odeur irrésistible vient caresser agréablement les narines des gourmets qui s’empressent de s’inscrire pour le repas du soir dans une ambiance familiale, tout en appréciant les évolutions de groupes folkloriques. Puis le repas terminé, tables et chaises sont rangées pour faire place à la danse : c’est le 1er grand « FEST-NOZ » du coin avec des groupes de sonneurs et chanteurs de qualité. Ainsi, durant toutes ces années de fin du XXe siècle, la « FETE DU CIDRE », fort appréciée de par sa qualité et son ambiance amicale et familiale, a largement contribué à améliorer le bien-être des enfants accueillis dans l’école.

Henri Nicolas, adhérent de l’association, aujourd’hui décédé.

 

Défilé des enfants à la fête du cidre en 1973

Les algues vertes

 

Il n’est pas possible de passer sous silence le fléau des algues vertes affectant la commune depuis plus de quarante années, ce qui l’a rendu tristement célèbre.

On appelle marée verte un important dépôt d'algues laissé par la mer sur la zone découverte à marée basse, ou flottant entre deux eaux lorsque la mer monte. Ces dépôts peuvent s’étaler en tapis ou former des monticules, des andins, pouvant atteindre plusieurs décimètres.

Lorsque ces algues vertes s’accumulent trop longtemps, elles se décomposent, entrent en putréfaction, dégagent de l’hydrogène sulfuré et des mercaptants, sources de mauvaises odeurs, provoquent l'émission de gaz à effet de serre (méthane), et sont dangereuses pour la vie animale et humaine en raison de leur toxicité.

 

En France, ces algues vertes sont toutes nitrophiles, c’est-à-dire qu’elles se nourrissent de nitrates. Dans l’Ouest, ce sont surtout Ulva armoricana (très fine) et Ulva rotundata (plus épaisse), deux nématothalles très photophiles, qui disposent de la lumière nécessaire à leur développement du printemps à la fin-septembre.

 

Ce sont toujours des ulves ou des espèces proches qui sont impliquées dans les marées vertes, probablement pour les raisons suivantes :

- elles ont une capacité exceptionnelle à engranger les nitrates, ce qui leur permet une croissance rapide et régulière, même quand les apports en nitrates sont irréguliers

- elles sont dotées d'une forte capacité multiplicative asexuée par bouturage (fragmentation)

- en temps normal ce sont des algues fixées, mais leur forme libre est la plus apte à exploiter la zone intermarées, dès lors que des nitrates y sont présents et que ses prédateurs (brouteurs tels que les oies bernaches) y sont absents

- cette algue présente une densité très légèrement supérieure à celle de l'eau de mer ; elle coule, et on en rencontre des stocks parfois importants par des fonds de 5 à 15 mètres, mais lorsqu'elle est arrivée dans les vagues les plus proches du rivage (le rideau), les mouvements de l'eau la maintiennent en suspension et elle se trouve exposée de manière optimale au soleil, tout en étant protégée des organismes brouteurs.

 

Ce phénomène apparait discrètement à Hillion dans les années 1960, puis s'amplifie dans les années 1970, et s'aggrave régulièrement depuis avec des rémissions épisodiques. Ces dernières années, on constate une réduction des dépôts.

Dès 1971, le Préfet des Côtes du Nord est saisi par le maire de Hillion et celui de Saint Brieuc qui lui font part de leur préoccupation, et demandent de prendre des mesures d’urgence pour faire face à la pollution des plages par les algues vertes ! Sans effet malheureusement, car le phénomène n’était pas directement du ressort de la commune.

 

En effet, la cause première est l'importance des apports en nitrates par les fleuves et rivières, ainsi que par les eaux de ruissellements parfois chargées en nitrates. Ces nitrates proviennent principalement de l'agriculture (élevage industriel et engrais). Le taux de nitrate est mesuré dans tous les fleuves littoraux et il est en Bretagne tout particulièrement important. Selon le ministère de l'Agriculture, les apports en azote et phosphore « ont augmenté de façon considérable à partir des années 1960 et leur concentration s'est accrue dans les zones de prolifération d'ulves ».

Les nuisances sont d'abord visuelles et olfactives. Et puis, beaucoup plus préoccupant, ces algues en décomposition sont toxiques. Les touristes et la population locale fuient les plages touchées par la marée verte qui sont en outre une source de coût direct (nettoyage) pour les communes affectées.

Des associations de protection de l’environnement se créent ou se développent pour inciter l’Etat à prendre les mesures qui s’imposent. Il s’agit notamment de « Haltes aux marées vertes » créée par André Ollivro, et d’Eaux et Rivières de Bretagne. Leur combat ne donne guère de résultat, les pouvoirs publics ne prenant pas la mesure du problème, peut-être par crainte de devoir revoir sa politique agricole et environnementale. Le problème est souvent minimisé.

A plusieurs reprises, des propriétaires de chiens morts pour s’être aventurés dans les algues vertes en décomposition, interpellent les élus, sans effet,  aucune mesure sérieuse n’est prise et les médias en sont peu informés. Le phénomène prend de l’ampleur, la situation devient intenable pour de nombreux habitants de la commune, des odeurs pestilentielles se faisant sentir à plus d’un kilomètre du rivage ! Lors de la campagne pour les élections municipales de 2008, les habitants interpellent les candidats pour leur demander comment ils comptent agir pour éradiquer le problème.

 

La nouvelle équipe en place en mars 2008 promet de prendre des mesures : ce n’est pas simple. Dès l’été 2008, la mort de deux grands chiens à la Grandville annoncée par la presse, met sous pression les élus communaux, régionaux et les Services de l’Etat. Le phénomène s’amplifie avec le décès d’un cheval à Saint Michel en Grève. L’Etat dépêche une mission interministérielle qui vient enquêter à Hillion.

 

Les associations portent plainte contre l’Etat qui est condamné en appel pour n'avoir pas fait respecter les normes environnementales qu'il a lui-même édicté.

La commune passe un nouveau marché pour le ramassage des algues et leur stockage, dans le but d’en faire du compost avec adjonction de déchets verts. La plateforme de la Ville Indeloup créée sous le mandat précédent se révèle vite trop petite, engendrant des nuisances olfactives et des effets sur la santé des riverains. En effet, certains jours, près de 1000 tonnes sont ramassées ! Plus de 12 000 tonnes en 2008 ! Et par le jeu du flux et du reflux, du vent et des marées, les échouages d’algues journaliers sont très variables, parfois seulement d’une centaine de tonnes. La gestion est donc très difficile, nécessitant la mise au point de techniques diverses, notamment de ressuyage avant transport.

 

Saint Brieuc Agglomération apporte son soutien financier puis prend en charge la compétence « algues vertes » pour soulager les communes du littoral. Le maire prend la décision de fermer l’aire de stockage de la Ville Indeloup et les algues vertes sont envoyées sur le site communautaire de Lantic, à plus de 30 km.

Par ailleurs, dans le cadre du SAGE (Schéma d’Aménagement et de Gestion des Eaux) de la Baie de Saint Brieuc, la Commission Locale de l’Eau (CLE) rassemblant élus, agriculteurs, associations de défense de l’environnement entreprend un travail de fond pour que les agriculteurs adoptent des mesures de réduction des nitrates et de modifications de leurs pratiques culturales : cela ne se fait pas sans difficultés, les réticences sont nombreuses, et les engagements reposent sur la base du volontariat. Mais, progressivement, avec persévérance, de nouvelles pratiques sont mises en place, et les taux de nitrates commencent à baisser. Les plages sont régulièrement nettoyées, la population locale retrouve les plaisirs de la plage de Lermot (avec encore quelques désagréments d’algues flottantes), et les odeurs deviennent rares.

Le phénomène n’est cependant pas encore éradiqué, et il faudra adopter de nouvelles mesures environnementales pour être enfin débarrassé des algues vertes.

 

 

 

La plage de La Grandville en 2008 : une vaste prairie d'algues vertes
Courrier du maire de Saint Brieuc à celui de Hillion - 1971
1954 - courrier du propriétaire d'un chien tué par les algues vertes
Articles parus dans la Presse
ramassage d'algues vertes sur la plage de Bonabry
Ramassage d'algues en putréfaction